- désabuser
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⇒DÉSABUSER, verbe trans.Détromper; tirer (quelqu'un) de l'erreur ou de l'illusion qui l'abuse. Synon. désillusionner, éclairer. Est-il bien pour le bonheur de Valentine que je la désabuse de toutes ces fausses idées qui lui sont restées du couvent? (STENDHAL, Rom. et nouv., t. 1, 1842, p. 341). Mon père, il est grand temps que je vous désabuse. Tout ceci est une affreuse comédie (MONTHERL., Maître Sant., 1947, III, 4, p. 650) :• 1. Dans nos longues promenades sur le pont, mes deux compagnons de voyage me désabusaient à qui mieux mieux, avec une verve désolante, et faisaient tomber mes plus chères espérances comme on gaule des noix en septembre.ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, p. 4.• 2. À son insu, l'orage d'amour d'où va bientôt jaillir cet éclair : « Je crois, je sais, je vois, je suis désabusée », s'amasse dans ce cœur plein de passion.MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 254.♦ À la forme passive. Être détrompé. Je n'avais pas été assez « ardemment désabusé »; je ne m'étais pas assez passionnément cru revenu de toutes choses (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 272).— P. ext. Être blasé, découragé, dégoûté. L'avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 38).♦ À la forme pronom. Se désabuser des opinions mal fondées. La sensibilité s'émousse, s'attiédit, se désabuse (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 2, 1846-69, p. 158).Rem. On rencontre dans la docum. le part. présent et adj. désabusant, ante. Qui désabuse. Gras de flemmes désabusantes, lourds de notre chair repue que nous voilà (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 280).Prononc. et Orth. :[dezabyze], (je) désabuse [dezaby:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. XVIe s. « détromper » (Chron., Bordelaise, I, 244 cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 9, p. 487); 1671 pronom. « reconnaître son erreur » (POMEY); 2. 1683, 7 sept., p. ext. se désabuser (de qqc.) « ne plus avoir d'intérêt (pour une chose) » (Mme DE MAINTENON, Lettres à d'Aubigné, éd. G. Truc, p. 100); 3. 1803 désabusé « qui a perdu ses illusions » (CHATEAUBR., Génie, t. 2, p. 371). Dér. de abuser; préf. dé(s)-. Fréq. abs. littér. :52.désabuser [dezabyze] v. tr.❖1 Tirer (qqn) de l'erreur, de l'illusion qui l'abuse. ⇒ Détromper; dessiller, ouvrir (les yeux); ôter (l'idée), tirer (d'erreur); → Ballon, cit. 3.1 « Élie était un homme comme nous, et sujet aux mêmes passions que nous », dit saint Pierre, pour désabuser les Chrétiens de cette fausse idée qui nous fait rejeter l'exemple des saints, comme disproportionné à notre état. C'étaient des saints, disons-nous, ce n'est pas comme nous.Pascal, Pensées, XIV, 868.1.1 Je m'aveuglai tellement sur le peu que m'offrait son cœur, que j'eus quelquefois la faiblesse de croire que je ne lui étais pas indifférente. Mais combien l'excès de ses désordres me désabusait promptement.Sade, Justine…, t. I, p. 75, 1791.♦ (Sujet n. de chose) :2 Il faut que le monde vous désabuse du monde; ses appas ont assez d'illusions, ses faveurs assez d'inconstance, ses rebuts assez d'amertume.Bossuet, Sermon pour la profession de Mlle La Vallière.2 Rendre désabusé (2.), détourner (qqn) de qqch. en faisant perdre les illusions. ⇒ Dégoûter, détourner; désillusionner. || Ses échecs l'ont désabusé.——————se désabuser v. pron.♦ Vieux. Cesser d'être abusé.3 Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile.Bossuet, Oraison funèbre de Michel Le Tellier.♦ Mod. Devenir désabusé.——————désabusé, ée p. p. adj.1 (1641). Vx ou littér. Détrompé. || Désabusé d'une erreur, d'une illusion. || Esprit désabusé de tout. ⇒ Revenir (revenu de tout).4 Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée (…)Corneille, Polyeucte, V, 5.5 De ton espoir frivole es-tu désabusée ?Racine, Athalie, V, 5.6 Désabusé des choses d'ici-bas par un spectacle qui lui en met sous les yeux le néant, et qui lui annonce incessamment la même destinée.Massillon, Petit Carême, « Mort ».7 (…) on n'est jamais trompé si l'on n'est jamais désabusé.France, l'Anneau d'améthyste, Œ., t. XII, p. 138.7.1 Elle (la terre) ne sait pas faire pousser le blé sur le granit ni sur le sable. Sa capacité de propagation est prodigieuse, non pas infinie. On le croyait; Spinoza dit : Dieu ou la Nature. Et Gœthe sent comme Spinoza doctrine. Nous sommes désabusés; nous savons désormais que nous n'extrairons pas de la terre tous les minerais que nous voudrions.Emmanuel Berl, le Virage, p. 65.2 (1800). Mod. Qui a perdu ses illusions. ⇒ Averti, désillusionné. || Un philosophe désabusé. — Attitude, expression, moue désabusée. || Sourire désabusé. ⇒ Blasé, découragé, déçu, dégoûté, désenchanté, maussade, mélancolique, triste.8 (…) le coup d'œil exact et désabusé du connaisseur à qui on montre un bijou faux (…)Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 96.9 Son sourire prenait parfois une expression désabusée, pensive qui prêtait un instant à sa figure poupine la mélancolie de certains bouddhas.Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 163.10 Tel est Duhamel, construisant courageusement une morale sur une connaissance désabusée des hommes, de leurs faiblesses et de leur ignorance.A. Maurois, Études littéraires, t. II, II, p. 90.♦ N. || C'est un désabusé qui est revenu de tout. ⇒ Blasé.❖CONTR. Abuser, illusionner. — Tromper. — Confirmer (qqn dans son erreur). — (Du p. p.) Enthousiaste, ignorant, naïf.DÉR. Désabusement.
Encyclopédie Universelle. 2012.